« Ils m’ont dit : “Quand tu iras en Libye, tu auras du travail et tu seras en sécurité là- bas. Je ne savais pas que ce n’était pas sûr. J’avais 2000 livres soudanais, mais ils m’ont demandé 3500 livres. Je leur ai dit que je ne les avais pas.” Ils m’ont dit : “Si on t’emmène en Libye, tu travailleras pour l’agriculteur dans les champs et tu nous rembourseras. Après avoir payé ta dette, tu seras libre d’aller où tu veux.” Je me suis dit : “si la Libye est vraiment un endroit sûr, j’irai. »
Ishakh a quitté le Darfour en 2015, mais est arrivé au Maroc il y a seulement 4 ans.
La situation au Darfour était dramatique à l’époque, surtout dans les petits villages. Après que la milice Janjawid a attaqué sa ville, tuant beaucoup de gens au passage. Pendant un an, il a été emprisonné et a été forcé à prendre soin de leurs chevaux.
« Ils me frappaient tout le temps, ils me pendaient à un arbre et me jetaient de l’eau sale, pour faire encore plus mal à mes blessures. La nuit, je mangeais dans les écuries avec les chevaux. J’ai bu du lait avec eux, parce qu’ils ont oublié de me donner à manger. »
Quand il a réussi à échapper aux milices, il est allé à Tini, la ville carrefour, connue pour être l’endroit parfait pour quitter le pays. Cependant, il ne savait pas où aller ensuite. À Tini, il a rencontré des trafiquants qui ont profité de son indécision :
Ils m’ont dit : « Quand tu iras en Libye, tu auras du travail et tu seras en sécurité là-bas. Je ne savais pas que ce n’était pas sûr. J’avais 2000 livres soudanais, mais ils m’ont demandé 3500 livres. Je leur ai dit que je ne les avais pas.” Ils m’ont dit : “Si on t’emmène en Libye, tu travailleras pour l’agriculteur dans les champs et tu nous rembourseras. Après avoir payé ta dette, tu seras libre d’aller où tu veux.” Je me suis dit : “si la Libye est vraiment un endroit sûr, j’irai. »
Puis ils ont emmené Ishakh dans le désert, il ne savait pas la grande distance entre la Libye et le Soudan. Le temps était incroyablement chaud. Les trafiquants lui donnaient un verre d’eau et 3 dattes par jour à manger.
« Nous étions 25 dans le camion, tous originaires du Soudan. Lorsque quelqu’un est tombé du camion, à cause de la fatigue, de la faiblesse et de la température élevée, le chauffeur ne s’est pas arrêté. Il a dit : S’il n’est pas fort, il ne mérite pas de vivre. Les trafiquants avaient des armes à feu. Lorsque les gens se plaignaient ou leur demandaient d’arrêter le camion pour les aider, ils leur tiraient dessus. Ils les faisaient taire. »
Après sept jours de voyage dans le désert, Ishakh est enfin arrivé en Libye. Les trafiquants l’ont emmené dans une autre voiture, lui ont bandé les yeux et les ont tous emmenés dans une maison. Plus qu’une maison, une prison. Ils n’avaient aucune idée de la nature de l’endroit. Il a passé trois mois dans une pièce, dans le noir, avec 19 autres Soudanais. Chaque pièce de la maison était remplie de migrants, répartis selon leur nationalité.
« Certaines personnes ont pu appeler leur famille et ont réussi à payer les trafiquants. D’autres sont simplement morts sur place, parce que leurs familles n’avaient pas d’argent. Moi non plus, je n’en avais pas. Ils m’ont traité de menteur. Ils m’ont torturé avec des câbles électriques. Je leur ai dit : « Je n’ai plus de famille. Je n’ai pas d’argent. Si vous voulez me tuer, tuez-moi. Mais j’étais inutile pour eux, alors ils m’ont encore vendu. »
Ils l’emmènent à nouveau dans le désert, pour travailler dans les mines d’or. Il était à nouveau esclave, mais d’une nouvelle milice et dans un nouveau pays.
« Si quelqu’un ne voulait pas travailler, ils le tuaient ou lui coupaient les mains. Ils torturaient et tuaient les gens de tant de façons. Ils ont attaché les membres d’un homme à deux voitures, puis ils les ont démarrées, dans des directions opposées. Ils lui ont brisé tous ses os et l’ont laissé mourir comme ça. Tout le monde devait regarder ces exécutions, pour leur faire apprendre la discipline. »
Ils travaillaient tout le temps, même la nuit. Les trafiquants leur donnaient de 2 à 5 heures pour dormir. Lorsque les gens étaient trop fatigués pour travailler, ils étaient simplement tués. Après un an de travail en tant qu’esclave, un jour, alors que certains des gardes étaient à l’intérieur de la mine d’or, il réussit à s’échapper avec d’autres Soudanais. Ishakh et ses compagnons ont passé cinq jours à marcher dans le désert, sans savoir où aller. « J’avais tellement chaud que j’ai dû mettre ma tête sous le sable en guise d’abri, pour qu’elle brûle moins. »
Une voiture s’est arrêtée et le chauffeur les a emmenés au Niger. Arrivé à Arlit, l’OIM a aidé Ishakh à se procurer des vêtements. Il a vécu à Agadez pendant 5 mois. Puis, à un moment donné, la police est arrivée et a commencé à emmener les gens dans le désert. Ishakh a décidé d’aller au Mali, où il a travaillé pendant six mois dans un restaurant.
« Mon plan était d’aller en Algérie, ce qui coûte 3000 dinars pour les migrants sans papiers. Sur la route de l’Algérie, des criminels m’ont attaqué et m’ont mis du gaz dans les yeux. Ils ont pris tout mon argent. Des gens du Cameroun m’ont aidé. Ils m’ont dit d’aller au Maroc et en Europe par la suite. »
Il a été laissé derrière par les autres migrants de son groupe lors de leur voyage de l’Algérie au Maroc. Il était trop lent, et il s’est retrouvé seul. En suivant les lumières de la nuit, il est arrivé à Oujda. Au Maroc, il a vécu dans la rue pendant trois jours. Il est allé à la Fondation Orient-Occident d’Oujda, où on lui a donné un endroit où rester pendant un mois.
« Ensuite, ils m’ont donné l’argent pour aller à Rabat et avoir un entretien avec les agents du HCR. » Maintenant, Ishakh est un réfugié.
« Je ne peux plus rester au Maroc. J’ai été menacé par certains voisins marocains à plusieurs reprises, pour rien, si ce n’est que je suis un réfugié d’Afrique sub-saharien, si ce n’est la différence de nos cultures. J’ai également été malmené sur la voie publique ainsi que dans les transports en commun, tout cela m’a affecté moralement et psychologiquement et j’ai été volé plus d’une fois. J’ai été arrêté par la police et emmené dans des villes du sud plus d’une fois. Ils ont prétendu que je n’avais pas de résidence alors que je leur ai montré le document de réfugié du HCR. Je me demande à quoi sert ce document s’il ne protège pas son propriétaire contre les abus, les injustices apparentes et la discrimination raciale. Parfois, j’ai l’impression d’être dans le même environnement que celui que j’ai essayé de fuir si durement. Chaque fois que je suis volé, que je suis battu dans la rue, cela me rappelle les violations que j’ai subies au Niger, en Libye et en Algérie. Pendant combien de temps cette violence et ce racisme vont-ils persister? »